Tombouctou...
Petite pause créative aujourd'hui... retournons plutôt au Mali.
Souvenez-vous, la dernière fois, nous arrivions à Tombouctou.
...
"Chez Asco, à Tombouctou, nous sommes accueillis par
sa maman, sa femme, Fatouma, et ses cinq enfants, Omar, Tonton, Nouma, Baba et
la petite Youma.
Asco est parti à notre rencontre. Il ne tardera pas à revenir.
Ce sont ses enfants et son jeune frère qui nous aide
à décharger nos bagages.
La maison est très grande.
Nous y pénétrons par la pièce réservée aux anciens.
Celle-ci est occupée par la maman d’Asco. Elle est sombre et vétuste : des
nattes au sol, un banc de bois et deux chaises basses. Mais la télé y chante
joyeusement dans un coin !
Suivent deux cours carrées.
La seconde est l’artère centrale de la maison ;
elle est bordée d’un vestibule, de trois chambres, de la salle de bain, de la
cuisine et du salon.
Un escalier permet l’accès à la terrasse.
Nous envahissons le salon à grand bruit, sous le regard satisfait de Fatouma.
C’est une haute et vaste pièce, sombre et fraîche,
qu’Asco a réaménagée pour notre venue : les murs ont été fraîchement
repeints en vert. Ils sont agrémentés des quelques photos. Une grande natte
couvre le sol. Quatre épais matelas de mousse rouges bordent les
murs. Soigneusement protégé par un drap, le précieux ordinateur
d’Asco trône dans un coin, sur un petit bureau !!
Pour nous faire patienter, en attendant l’arrivée
d’Asco, son jeune frère nous allume la télé !!
Fatouma nous observe en souriant. Elle ne parle pas
le français et la communication est difficile.
La petite Youma, 16 mois, est méfiante.
Dans les bras de sa maman, elle nous sourit et nous
salue, mais elle ne se laisse pas approcher.
Sans doute est-ce la première fois qu’elle rencontre
les toubabs et notre couleur semble l’intimider !
J’essaie de l’apprivoiser avec l’ours en peluche que
nous lui avons ramené, mais elle a peur et se blottit profond dans le giron de
sa mère amusée.
Son frère Baba est moins timide. L’objet l’intéresse
et il se l’approprie rapidement.
Nous rencontrons enfin Asco, cet homme dont nous
avions si souvent entendu parlé qu’il nous semble déjà un peu le connaître.
Il est grand et mince.
Et dans son regard plein de malice se lisent à la
fois la satisfaction et la joie qu’il éprouve à nous accueillir.
Il semble particulièrement heureux de retrouver
maman… et papa, surtout, qu’il étreint fraternellement.
Depuis plusieurs mois, ils correspondent
régulièrement sur Internet, renforçant ainsi les liens qu’ils s’étaient crées
lors de leur rencontre un an auparavant.
…
Fatouma a préparé un couscous.
Nous nous installons tous à terre, autour d’une nappe
à l’effigie de Mercedes !
Et Mama, l’ami de Tonton, nous présente une cuvette
originale, spécialement conçue pour se laver les mains.
La tradition malienne impose de manger dans un plat
unique avec les mains.
La technique n’est pas simple et c’est avec quelque
appréhension que nous abordons ce premier repas.
Heureusement, notre hôte nous propose naturellement des fourchettes.
Ce bien curieux goûter est excellent…et le poulet de
midi semble finalement bien loin !
Faire honneur à la cuisinière est tâche facile…on
mange naturellement sans faim !
Le repas achevé, Tonton et Mama débarrassent.
Puis Tonton, en maître de cérémonie avisé nous
prépare le thé, sous le regard attentif de son papa.
Au Mali, toute occasion est prétexte à boire un thé.
Religieusement préparé sur un petit brasero, il
nécessite expérience et savoir-faire.
Le préparateur doit avoir la main pour doser
graduellement les trois verres que chacun boit successivement.
Le premier verre est à peine sucré, il est très fort et très amer ; le second est plus doux ; le troisième comporte plus de sucre que de thé.
(Sur cette page, il s'agit de Baba, le dernier garçon de la famille, et non de Tonton)
On dit traditionnellement de
lui que : le premier est amer comme la mort, le second, doux comme la vie,
le troisième sucré comme l’amour.
La séance est traditionnellement longue.
Elle est l’occasion de nombreux bavardages.
Fatouma nous a enfin rejoint avec la petite Youma et
Baba.
Elle a le même âge que moi, mais elle a cinq enfants
et moi je n’en ai pas.
Elle est donc naturellement mon aînée en maturité et …en sagesse.
Dans le cadre d’un jumelage entre le lycée Saint
Joseph de Voiron et celui de Tombouctou, un échange a été organisé l’automne
dernier.
Asco y a participé.
Maman lui demande ce qu’il n’a pas aimé en France.
Il ne sait que lui
répondre : il a trouvé la région très belle, il a très bien mangé, les
Français ont été très hospitaliers !!
Il souhaite pouvoir y revenir bientôt.
…
Asco nous offre ces fameuses chaussures dont nous
avons si souvent entendu parler depuis que nous préparons notre voyage.
Ce sont des tongs tombouctiennes en cuir brodé.
Elles sont superbes mais un peu serrées.
Cela ne semble pas un problème pour lui.
Il retournera demain chez le cordonnier pour qu’il
nous les détende un peu.
Maman en profite pour lui en commander trois paires
supplémentaires pour François, Estelle et Florian.
Asco en commandera également deux paires pour Jean
Paul et Marie.
…
C’est le moment de partager nos chambres.
Quatre d’entre nous dormirons au salon.
Deux autres auront une chambre individuelle.
Marie, dans un soucis de ne pas déranger, propose
qu’elle et Jean Paul s’isolent.
Jean Paul ronfle la nuit et incommodera
incontestablement ses camarades de chambre.
Mais par une habile pirouette de maman, c’est
finalement Henri et moi qui nous trouvons privilégiés.
Avant de transférer nos
bagages, nous offrons à Asco ce que nous lui avons ramené de France : deux
graveurs, des CD roms, un téléphone portable, une clé USB et du parfum pour
Fatouma
Le reste arrivera avec le conteneur d’Awa au mois de
février.
Nous lui proposons également de participer aux frais
de notre séjour.
Héberger et nourrir six personnes plusieurs jours,
n’est pas une tâche facile pour une famille malienne.
Les revenus sont bas, les bouches à nourrir
nombreuses. En quelques minutes, j’ai compté une douzaine de personnes autour
de nous, et toutes sont à la charge d’Asco.
Après réflexion, il nous demande 45 Euros par couple pour les quatre jours que nous passerons chez lui. Cette bien modeste participation nous permettra d’être plus à l’aise et de profiter sans trop de scrupule de son hospitalité.
Vient l’heure tant attendue de se laver
enfin !!
Les sanitaires sont particulièrement
sommaires : un trou dans le sol pour les toilettes, un pommeau en alu pour
la douche, un miroir brisé incrusté dans le mur dans un petit réduit carré aux parois cimentées. Mais qu’importe le
confort lorsque l’on s’est contenté quatre jours durant d’une bouteille d’eau
minérale dans un coin perdu de la dune !! C’est donc avec grand entrain
que nous partons deux par deux, dans un soucis d’économie, nous ébattre
gaiement …sous un jet d’eau froide.
…
Dès notre arrivée, nous avons avisé Asco de notre
volonté de nous faire confectionner des vêtements.
Il nous a alors proposé de faire venir son tailleur.
Après le repas, Fatouma nous a porté plusieurs
coupons de tissu pour que nous puissions faire notre choix.
Et au retour de la douche, le tailleur nous attend
déjà !!
Maman lui commande deux chemises et un boubou.
Elle lui en fournit les modèles.
Henri et moi aimerions chacun un ensemble
traditionnel.
Il prend nos mesures : celles
d’Henri sans jamais les noter, les miennes…de loin, d’un œil expert.
Rien ne lui pose problème, tout sera fait selon nos
désirs !
Je doute un peu des ses méthodes et je suis
particulièrement impatiente d’en voir le résultat.
Je comprends qu’en Afrique, que l’on soit petit ou
grand, maigre ou gros, les tailles sont uniques et qu’il appartient à chacun de
s’y adapter ensuite en fonction de sa corpulence !!!
…
Asco semble déçu : il vient de transférer sa carte
SIM dans son nouveau téléphone et celui-ci ne fonctionne pas.
Je lui explique qu’il faudra très certainement le
débrider : en France l’accessibilité des portables est souvent rattachée à
un seul opérateur, mais, pour quelques euros, il existe un moyen simple de débloquer les téléphones.
Nous nous en occuperons demain.
…
Il n’est pas encore 20h00 et la nappe réapparaît !Asco s’installe avec nous. Fatouma mangera plus tard avec les enfants.
Apparaît un nouvel invité. C’est le chat. Il est
roux, tout petit et tout maigre.
Pourtant Asco semble le nourrir grassement.
La petite bête apprécie autant que nous le mouton
grillé que Fatouma nous a préparé !
Je suis étonnée de trouver un chat domestique dans
une famille africaine.
Asco m’explique pourtant qu’au Mali, il n’est pas
rare d’en trouver plusieurs dans chaque famille.
Lui-même les aime beaucoup.
Ce sont plutôt les chiens que les Africains
apprécient moins.
Je me rappelle en effet avoir lu dans « Almamy »
quelques anecdotes surprenantes concernant les chiens en Afrique !!
Un nouveau thé est l’occasion de nouveaux papotages. Nous établissons le programme du lendemain, nous félicitons Fatouma pour sa cuisine, nous tentons toujours d’apprivoiser Youma.
Puis chacun gagne progressivement sa chambre."
...
Les cinq pages présentées sont anciennes, elles appartiennent à l'album que j'ai confectionné à Asco, il y a trois ans, lorsqu'il est venu nous rendre visite en France.
J'ai bien changé de style depuis, mais je les aime toujours autant... pour ce qu'elles représentent.
Quant aux ouvrages auxquels je fais référence, il s'agit de "Almamy, une jeunesse sur les rives du fleuve Niger" et "Almamy, l'âge d'homme d'un lettré malien", deux recueils biographiques rédigés pour Almamy Maliki Yattara, grand maître coranique malien né dans les années 20 près de Tombouctou, par Bernard Salvaing historien et maître de conférence à la Sorbonne.
Bonne journée !